La vie en spirale

On croit souvent réinventer la roue, alors que nous marchons souvent dans les mêmes sentiers : souvent pour les refaire parce qu’on s’y sent bien et quelques autres rares fois pour les réimaginer autrement. Alors là, le trajet nous surprend et nous amène à nous dépasser.

La FEEP (Fédération des établissements d’enseignement privés) a souligné en présence (je déteste le mot présentiel) mon départ à la retraite lors de sa dernière assemblée d’automne : 15 mois plus tard. Vous l’aurez compris, j’ai pris ma retraite en pleine pandémie: non pas à cause d’elle, mais parce que je considérais que le temps était venu de re-traiter ma vie à l’aube de la soixantaine.

Des personnalités marquantes de mes dernières années à la FEEP m’ont livré des hommages touchants, sincères et comiques à la fois. Un grand moment d’émotion ! Bien évidemment, on m’a demandé de prendre la parole devant cette assemblée de directrices et directeurs des services pédagogiques. J’essaierai ici de reprendre l’essentiel de mes propos.

« La thématique de la journée que vous venez de vivre portant sur le développement professionnel (DP) est le plus beau lien pour vous adresser la parole aujourd’hui. Le DP, c’est l’éternel enrichissement de nos parcours, leur verdissement comme le décrit si bien le terme anglais d’evergreening. Et c’est justement de mon parcours, de mon itinéraire dont j’aimerais vous parler.

Très jeune, j’étais animé par l’idée de devenir archéologue. Je m’imaginais fouiller des documents et travailler fort sur des chantiers réalisant de belles découvertes que j’aurais le plaisir de partager.  C’est animé de ce désir que j’ai commencé des études en science pour rapidement découvrir que je n’étais pas dans mon élément et que je devais me réorienter.

(Égypte Image Pixabay)

C’est ainsi que je me suis retrouvé enseignant de français au secondaire et de littérature et de communication au niveau collégial. J’ai effectué mon premier retour aux études à peine 10 ans après mon entrée dans la profession. Je vous parle du début des années 90 où je me suis inscrit à un certificat en informatique appliquée à l’éducation, alors qu’il n’y avait pas dix ordinateurs Macintosh à écran vert monochrome (probablement un 512Ke) à la disposition des enseignants  du collège où j’enseignais. Quelle heureuse initiative !  Dire que la pandémie a fait découvrir le numérique à certains enseignants. 

(Macintosh 512Ke https://bit.ly/3BFRAUq )  

Au début des années 2000,  j’ai entrepris une maîtrise en Communication appliquée à l’Éducation portant sur la motivation des garçons à vouloir réussir à l’école en lien avec la maîtrise des compétences en lecture dès leur jeune âge.  Un sujet malheureusement encore trop d’actualité.

À travers ces études, j’ai cheminé sur le plan professionnel pour devenir directeur de niveau, directeur de cycle et directeur des services pédagogiques avant d’arriver à la FEEP comme directeur à l’innovation et au développement pédagogique.  Tout ne se fait pas en criant ciseau. J’ai aussi été animateur radio, cinéaste, et emballeur dans une épicerie (une compétence très utile en couple).

Je m’adresse à vous qui êtes DSP de votre école pour vous parler de l’importance de votre rôle. Si la direction générale est souvent seule en haut de la pyramide administrative d’une école, vous êtes, vous directrices et directeurs des services pédagogiques, responsables du climat de votre école, du déploiement des bonnes pratiques. Vous avez un devoir de cohésion, de collaboration, un devoir d’équipe et, non le moindre, un devoir d’actualisation de la profession.  Le développement professionnel de vos équipes et de vous-même doit être au cœur de vos motivations  pour garder votre école dynamique et vos élèves engagés, ce qui est encore plus fort que motivés.

(Inspiration Image Pixabay)

Vous devez oser innover dans un secteur, l’Éducation, trop souvent réputé pour son conservatisme. J’aurai siégé sur plusieurs comités au ministère l’Éducation (qui ne cesse de changer de nom au Québec), vu passer des ministres, des nouveaux programmes et des réformes, croisé des gens passionnés et passionnants et d’autres plus ronds de cuir et désabusés de l’appareil gouvernemental.   

Il faut se le dire, notre ministère de l’Éducation est paresseux et manque atrocement d’envergure.  Que fait notre ministère des avis souvent fort pertinents du Conseil supérieur de l’Éducation ? Quelle place accorde notre ministère à la recherche universitaire, aux études sur le terrain, aux pratiques exemplaires développées ici et ailleurs ?  Pourquoi notre ministère en est-il un de passage où les fonctionnaires s’empressent de changer de ministère dès qu’ils le peuvent ?  Pourquoi n’avons-nous pas d’Écoles universitaires comme cela se fait dans d’autres pays ?  Pourquoi ce haut lieu d’apprentissage n’est-il réservé qu’à la médecine au Québec ? Pourquoi nos facultés d’éducation demandent la plus basse cote R aux étudiants qui veulent entrer dans leurs facultés ? Pourquoi le développement professionnel (je parle ici d’un vrai plan de DP signifiant) n’est-il pas obligatoire et régit par un ordre professionnel au Québec ?  Pourquoi la profession enseignante attire-t-elle de moins en moins d’hommes ? Pourquoi la profession n’est-elle pas valorisée socialement ?  Pourquoi ? Pourquoi ?

J’aurai posé plusieurs fois ces questions et bien d’autres au fil de ma carrière et plus spécifiquement pendant mes 7 années à la FEEP. Mais ce qui m’étonnera toujours et m’étonne encore, c’est la force et la conviction des gens qui travaillent dans les écoles au quotidien. Leur engagement, leur volonté de faire réussir les jeunes, leur patience, leur amour et leur dévouement pour la petite Maëlle, le petit Nicolas, la grande Ulrich ou le grand Dimitri. Cela ne s’invente pas: c’est de la passion. Malgré les contraintes et la complexité de la tâche de plus en plus lourde.

Vous l’aurez compris, les relations humaines occupent une place prépondérante dans ma carrière. C’est probablement ce qui explique que j’ai quitté mes études au MBA après avoir fait tous les cours de ressources humaines et réussi (sans intérêt, je l’avoue) un cours de mathématiques financières. Là non plus je n’étais pas dans mon élément.

J’ai trouvé mon X quand je suis arrivé à la Fédération et c’est ce que je vous souhaite à tous : Trouver son X pour se réaliser pleinement. J’ai pleinement vécu le sentiment d’être utile, d’aider les autres, de partager et d’être dans le feu de l’action. Combien de fois j’ai eu le bonheur de croiser des gens inspirés et inspirants, de diriger des comités où la force du groupe et l’intelligence collective ont pu se manifester en toute confiance ?

(X Image Pixabay)

Maintenant, je suis travailleur autonome. J’ai quitté le rythme effréné du quotidien,  mais je ne suis pas moins engagé. Un conseil d’administration, des rédactions, des formations, de l’accompagnement professionnel de jeunes directions nouvellement en poste : voici autant de beaux défis à relever. Me voici au temps de redonner et de partager ce que j’ai glané sur mon chemin.

Je n’aurai pas été archéologue, mais, toute ma vie durant j’aurai fouillé des dossiers et travaillé fort sur des chantiers avec de superbes équipes réalisant de belles découvertes que j’ai eu le plaisir de partager. Alors, en quelque sorte, mon rêve s’est réalisé.

Je vous souhaite à toutes et à tous bonne route dans le merveilleux monde de l’Éducation. »

La vie n’est pas un long  fleuve tranquille comme le disait l’écrivaine Gabrielle Roy et c’est bien vrai et c’est tant mieux. Il y a des eaux calmes, il y a des tumultes, des courbes, des détours et des embranchements. 

Je suis arrivé en éducation par accident en me disant que ce n’est pas vrai que l’école doit être ennuyante en réaction à mon triste passage au secondaire.  C’est sûrement cette révolte intérieure et ce doute constant sur la permanence des choses qui m’ont permis d’avoir une belle carrière en éducation, malgré toutes les spirales que l’existence nous fait vivre.

La citoyenneté pour tous

Il aura fallu la lecture de deux textes d’opinion en fin de semaine dernière pour que je me remette au clavier après une traversée du désert de plus d’un an sur mon blogue.  L’année qui a passé n’a pourtant pas été pauvre en sujets vifs et pertinents en éducation : bien au contraire !  Il faut croire que l’action a pris le pas sur la réflexion dans ma vie professionnelle ces derniers mois.  Je ne m’en plains pas.  Les livrables ont été nombreux, comme on dit, et ma réflexion s’est portée ailleurs.

Revenons aux textes. Tout d’abord, Marc-André Girard, signe un article dans La Presse+ où il dénonce sur un ton calme que je lui connais peu Le grand malaise technologique en éducation en lien avec l’enseignement au secondaire.  D’autre part, Normand Baillargeon soumet un Plaidoyer pour la culture scientifique pour les étudiants du cégep dans Le Devoir de ce samedi 31 août.  Le lien entre les deux textes ? Aucun, sinon qu’ils abordent des lacunes en éducation. Girard s’en prend à l’idéalisation du passé qui freine le déploiement d’approches numériques modernes et réfléchies en éducation; alors que Baillargeon met en garde les pédagogues contre les mirages de la nouveauté qui ne mettent pas l’éducation à l’abri de dérives possibles.  Question de regard !

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Il m’apparait que ces deux textes se font échos comme si les auteurs s’étaient interpellés. Or, cela m’étonnerait grandement.  Au moment où l’éducation est un sujet d’actualité, il semble plutôt normal d’invoquer un phénomène de synchronicité, telle que la définissait Carl Jung. Selon ce psychiatre suisse « la synchronicité est l’occurrence simultanée d’au moins deux événements qui ne présentent pas de lien de causalité, mais dont l’association prend un sens pour la personne qui les perçoit.»

À ceux qui s’objectent à l’évènement du numérique en éducation dont fait mention Girard, j’ai répondu sur Twitter par une obligation de préparer les élèves à une révolution sociale insoupçonnée qui bouleversera nos rapports au savoir. Pris dans une telle perspective, l’École ne peut se permettre de sacrifier une génération en « attendant de voir ».

 

 

Cela ne veut pas dire pour autant qu’il faut se lancer tout de go dans cette aventure.  Il existe maintenant des études et des recherches qui démontrent la valeur ajoutée du numérique en éducation qui vont bien au-delà de la simple motivation des élèves comme certains aiment bien les réduire.  Comment justifier que des comités scientifiques aient alors contribué à la rédaction du Cadre de référence de la compétence numérique non seulement au Québec, mais aussi ailleurs, comme en France, où on le nommera le Cadre de référence des compétences numériques (CRCN) ou de l’UNESCO qui a tenu une réflexion sous le thème « des compétences pour un monde connecté» dans le cadre de la semaine de l’apprentissage mobile en mars 2018 à Paris.

Force est de constater que le numérique interpelle tous les secteurs de l’activité, notamment celui de l’éducation et que son influence ira sans cesse grandissant.  C’est pour cela que Normand Baillargeon rêve d’un Commission Parent 2.0 qui permettrait de repenser le système scolaire québécois en général, mais celui du cégep en particulier.

Il réclame une formation qui doterait les étudiants d’une culture scientifique qu’il dit «indispensable à la construction de l’autonomie et à l’exercice d’une pleine citoyenneté ». Cette culture les doterait de bases en science fondamentale et en philosophie des sciences.  Ainsi, mieux équipés à discerner le vrai du faux, à comprendre la nature des expériences, à développer un sens critique, ces étudiants seraient à même de développer une culture du doute raisonnable, du sens critique.

Que nous les appelions les compétences du 21esiècle ou les compétences globales; il ne fait nul doute que la mission de l’école est de former des citoyens conscients, critiques et engagés, et ce, d’autant plus en cette époque où le numérique s’inscrit dans la vie de tous.

Pourquoi je suis retourné à CLAIR cette année ?

Le colloque Clair 2018 vient de clore sa 9e édition et son directeur Roberto Gauvin peut fièrement dire « mission accomplie ». Pour mon compte, j’en suis à ma 5e participation consécutive et vous seriez bien en droit de vous demander pourquoi je suis retourné à Clair cette année ?

 

Je pourrais vous invoquer les conférenciers de choix : Margarida Romero, Thierry Karsenti, Pierre-Yves Rochat ou encore Marius Bourgeoys. Je pourrais enchaîner avec la qualité des participants à la session « Ignite » qui s’est ouverte avec le robot humanoïde Nao qui nous a expliqué la pertinence de programmer à l’école jusqu’à Simon Lavallée qui nous a proposé des solutions pour amener les élèves à s’entreprendre dans leurs apprentissages.

 

J’aurais pu vous remémorer la qualité des présentateurs de pratiques gagnantes ou encore la qualité de la Foire pédagogique qui ne cesse de croître d’année en année. Ce serait encore insuffisant, car il manquerait tout le volet musico-émotif où les élèves interprètent des pièces musicales et nous charment par leurs voix au moment d’interpréter des chansons. Comment passer sous silence la performance de Bradley au moment d’interpréter Qui a le droit ? de Patrick Bruel ?

 

Clair, c’est aussi une série de nouvelles expériences et de nouvelles rencontres. Il y avait quand même le tiers des participants qui en étaient à leur première expérience. Quel bonheur de retrouver des anciennes collègues qui ont osé présenter leurs nouvelles pratiques pédagogiques ou encore de rencontrer « pour vrai » de nouvelles relations Twitter. Enfin, la chance d’animer un « bar camp » sur la formation continue avec des pédagogues de l’Ontario, du Québec et du Nouveau-Brunswick fait aussi partie de l’énergie que j’aime tant retrouver à Clair.

Clair n’est surtout pas une « secte » de convertis: c’est une rencontre de gens passionnés à vouloir « faire les choses autrement » pour améliorer l’éducation que nos élèves reçoivent.

Un bon credo

 

Il y a longtemps que Clair est devenu un évènement incontournable en éducation. Ce n’est pas pour rien que Roberto et le Centre d’apprentissage du Haut-Madawaska (CAHM) ont reçu 2 prestigieux prix : le prix international Paul Gérin-Lajoie et le prix QUASAR des écoles entrepreneuriales.

 

Cinq ans plus tard, je reviens de Clair avec le sentiment d’avoir mis mes 2 doigts sur les pôles d’une batterie pendant 3 jours : complètement rechargé.

 

Médias sociaux et identité numérique : un miroir déformé ?

Thierry Karsenti m’a invité à donner une des conférences principales au Sommet de l’iPad et du numérique en éducation 2017 à la suite de la rédaction d’un billet de blogue en novembre dernier.  Au moment d’accepter son invitation, j’étais loin de me douter que les événements allaient se bousculer à un tel rythme sur Facebook, Twitter, Google et compagnie. L’actualité s’est chargée de me fournir beaucoup trop de tristes exemples contre lesquels nous devons apprendre à nous prémunir. Vous pouvez le constater dans ma présentation.

 

 

 

 

 

 

 

 

https://fr.slideshare.net/NormandBrodeur/mdias-sociaux-et-identit-numrique-un-miroir-dform/NormandBrodeur/mdias-sociaux-et-identit-numrique-un-miroir-dform

Comment départager le mensonge de la vérité sur les médias sociaux ?

Mensonge, vérité, usurpation de propos, montage honnête ou frauduleux : comment démêler le vrai du faux dans les informations qui circulent sur les médias sociaux ? D’une part, les histoires sordides de professionnels de l’information, qui sont pourtant soumis à un code de déontologie, n’ont rien d’édifiant et sont loin d’être des modèles à proposer à nos élèves.

D’autre part, les différentes traces et empreintes que nous laissons lorsque nous naviguons sur le Web sont autant de renseignements que nous donnons à ces fournisseurs. Il peut paraître banal de répondre à un questionnaire sur les habitudes de vie ou sur l’équilibre alimentaire pour nous détendre. Or, il ne faudra pas s’étonner de recevoir par la suite des publicités ou des alertes de gymnases ou de chaines alimentaires spécialisées. Je vous cite des questionnaires anodins. Vous pouvez imaginer la suite avec des sondages plus personnels ou plus intimes.

Ces informations que nous donnons de plein gré contribuent à former notre image d’utilisateur et projettent de nous une image sur les médias sociaux. Les algorithmes derrière ces « like » que nous cliquons, ces informations que nous relayons ou ses sondages auxquels nous répondons dessinent le portrait de nos goûts, de nos habitudes et de nos relations. Mieux, les réseaux sociaux nous renvoient des informations qui viennent consolider les opinions que nous défendons et nous suggèrent même des « amis » qui « pensent » comme nous. Inquiétant !

Quelle image affichons-nous ?

 

 

 

 

 

 

 

 

Les natifs du numérique

Pour leur part, les natifs du numérique qui sont assis sur les bancs d’école possèdent une grande aisance avec les outils numériques. Certes, mais ils les utilisent encore de façon limitée, peut-on lire dans les différentes études. La communication sur les différents réseaux, la recherche d’informations et le jeu constituent leurs principales activités. Or, qu’advient-il des traces laissées lors de leur navigation sur le net ? L’école aurait-elle un rôle à jouer pour développer les habiletés informationnelles et numériques des élèves quant à l’identité et à la citoyenneté numériques ?

Ce n’est pas parce qu’ils sont nés avec les NTIC que les jeunes possèdent les clés pour naviguer adéquatement sur les médias sociaux. « Ceux-ci [les natifs] ont beau passer une grande quantité de temps à l’extérieur de la classe sur les réseaux sociaux, ils n’acquièrent pas nécessairement les compétences qui leur permettraient de les utiliser de façon optimale. »[i]

Une rupture générationnelle se profile quand il est question du traitement de l’information recherchée. L’usage que font les natifs du numérique sur les médias sociaux ne semble plus être le même que celui des générations précédentes en regard de la quête des informations. « Les jeunes se soucient moins d’être informés que de savoir où trouver l’information », nous affirme Michel Cartier sur son site 21e siècle. Si tel est le cas, nous pouvons nous questionner sur le sens qui se perd lorsque nous ne pouvons lier les informations entre elles. Serions-nous vis-à-vis un phénomène de granulation de l’information ?

« Ceux-ci [les natifs] ont beau passer une grande quantité de temps à l’extérieur de la classe sur les réseaux sociaux, ils n’acquièrent pas nécessairement les compétences qui leur permettraient de les utiliser de façon optimale. »

École Branchée, (septembre 2015)

L’École à nouveau interpelée

Encore une fois, c’est vers l’école que nous nous tournons pour former ce citoyen numérique… même si l’école tarde à effectuer son propre virage numérique. Nous ne sommes pas à une dichotomie près, direz-vous. Plus sérieusement, il devient de plus en plus urgent de doter notre système d’éducation d’une vision numérique claire si nous voulons vraiment préparer nos élèves à vivre dans une société numérique incontournable. A-t-on besoin de le rappeler ?

Pour cela, je vous invite à prendre connaissance de la présentation de Sébastien Stasse aussi offerte au Sommet de l’iPad et du numérique en éducation 2017. « La citoyenneté numérique, le nouveau défi de la présence numérique des élèves » est disponible sur son site In scholam.

Les défis que doit relever l’école sont multiples quand on pense à former ce citoyen du 21e siècle : responsable, engagé, autonome, inventif et créatif. Aux enjeux de la littératie et de la numératie, s’ajoutent ceux de la littératie numérique, afin d’éviter une fracture numérique dramatique pour la génération à venir. Comme le disent si bien Landry et Letelleir (2016) « Une éducation critique aux médias n’est plus une option; elle s’impose comme une nécessaire initiation à la citoyenneté ».

 

[i] https://ecolebranchee.com/2015/09/29/alphabetiser-les-jeunes-au-web-une-necessite-pour-lecole-daujourdhui/

Changer une culture demande du temps

« Les bœufs sont lents, mais la terre est patiente » (proverbe cambodgien)

 

S’il est un domaine où la valorisation professionnelle  fait défaut, c’est bien celui de l’enseignement. Les moments plus officiels pour souligner  l’engagement exceptionnel  des enseignants auprès de leurs élèves, dans l’élaboration de projets particuliers ou dans des démarches de développement professionnel sont plutôt rares. Pourtant, lorsqu’ils arrivent ces moments, ils peuvent engendrer de la gêne et de l’inconfort, comme l’a souligné Marc-André Girard, dans son récent  billet intitulé Le gala des profs qui dérangent.

Cette difficile valorisation de la profession serait-elle liée à une question de culture du milieu ?  Quand on sait que le degré de confiance des Canadiens à l’égard des enseignants n’a cessé de croître depuis les années 90, il y a tout lieu de s’interroger.  La firme Léger Marketing révélait  au début des années 2000 que la population avait confiance aux enseignants dans une proportion de 88%; à un point d’écart seulement sous les médecins [1].  Il y a tout lieu de s’interroger.

@Léger Marketing

@Léger Marketing

L’innovation n’est pas donnée au premier venu

Qui sont les candidats à se présenter aux portes des universités en éducation? Pour la très vaste majorité, il s’agirait de jeunes qui ont aimé l’école, le milieu dans lequel ils ont évolué et ont appris et qu’ils souhaitent recréer.  Ce n’est pas moi qui le dis, mais bien Maurice Tardif, de l’Université de Montréal, dans son étude sur la profession intitulée La condition enseignante au Québec du XIXe au XXIe siècle

« Je reproduis bien ce que je connais bien », semble être le credo de ces jeunes universitaires.  Et puis, il y a les autres (dont je suis) qui sont arrivés à l’enseignement par défi ou par conviction, en se disant qu’il était possible de faire les choses autrement.  J’avoue que mon passage au secondaire a été d’une grande tristesse, n’eût été de la rencontre avec  2 ou 3 enseignant(e)s qui m’ont rejoint (lire cru en moi ou soupçonné mon potentiel qui était en grande dormance). Oui, j’ai joué le jeu de l’école qu’on me demandait dans les années 70.  Le phénomène n’est pas propre au XXIe siècle.

La formation initiale en éducation a longtemps pu fonctionner dans un Québec qui avait tout à construire. Relisez les Insolences du frère Untel pour vous en convaincre.  Nous arrivons de loin!  Mgr Parent et ses acolytes ont réalisé un travail titanesque en nous dotant d’un ministère de l’Éducation et d’un Conseil supérieur de l’Éducation. Merci! En bref, les recommandations du Rapport Parent ont fait passer le système d’éducation du Québec du Moyen-Âge au XXe siècle. Nous ne saluerons jamais assez le courage et l’audace de ces bâtisseurs du début des années 60.

Nous voici maintenant au XXIe siècle. Le monde a évolué et les besoins en matière de formation des maîtres aussi.  Ce n’est pas une illusion! Nous ne pouvons plus demander aux jeunes enseignants de reproduire le milieu qu’ils ont tant aimé.  Les enseignant(e)s d’aujourd’hui sont des agents de changement, or ils ne sont pas préparés à ce changement de culture.  Je laisse le soin aux universités de modifier la formation initiale, afin qu’elle s’adapte mieux aux exigences de la profession.

Illusion ou Question de perception

Illusion ou Question de perception

 

Je ne baisse pas les bras pour autant et je milite à travers  mes actions et mes textes pour une véritable culture de formation continue. Nos enseignants travaillent bien et nos jeunes candidats arrivent encore aujourd’hui en 2017 avec une foi pédagogique prête à déplacer des montagnes. Il est alors de notre devoir de les accompagner, de les former afin qu’ils fassent mieux ce qu’ils font déjà bien, bien sûr.   Nous devons aussi les mettre en contact avec la recherche, les données probantes, les expérimentations porteuses de renouveau; avec les forums de discussion tels que TacEdChat, les lieux d’échanges comme les Soupers pédagogiques presque parfaits USPPP, les sites de formation continue comme CADRE21 et les multiples réseaux sociaux Facebook et Twitter.

Les enseignant(e)s d’aujourd’hui sont des agents de changement,

or ils ne sont pas préparés à ce changement de culture.

 

Le milieu de l’éducation a ses contraintes et son rythme qui lui sont propres aussi. Raison de plus pour aller vers chaque enseignant et le prendre où il est dans son développement professionnel. Si un des premiers facteurs de motivation et de réussite chez les élèves est le lien de confiance avec son enseignant, pourquoi en serait-ce autrement avec les enseignants eux-mêmes lorsque nous leur parlons de formation continue.

Je me rappelle la conférence d’ouverture de Benoit Petit à Clair 2016 au Nouveau-Brunswick, quand il nous expliquait l’importance de composer avec l’affectif des enseignants avant de parler de changement.  Il nous invitait à faire nommer, à reconnaître, à prendre en compte les craintes ou les appréhensions des enseignants dans le but de construire ensemble, plutôt que d’imposer (et de braquer les enseignants).

@Benoit Petit Clair 2016

@Benoit Petit Clair 2016

Pour ne laisser personne derrière

Les changements en éducation sont là et il est vain de s’y opposer. Ce n’est pas une illusion, je le répète. Or, il faut s’assurer que tous nos enseignant(e)s soient en mesure de progresser (Growth mindset) personnellement et professionnellement  sans laisser personne en cours de route.   No Teacher left behind, disent les Anglais. Cette philosophie du changement suggère de proposer des défis pertinents (relevant) de nature personnelle et professionnelle aux enseignants et de leur faire vivre les succès au fur et à mesure.  C’est ainsi que se développe le sentiment d’efficacité personnelle. Comme le dit si bien George Couros le changement est un processus « Innovation is a process not a product ».  Ainsi, les collègues pourront véritablement applaudir les succès des enseignants qui progressent, tout comme eux… parce que c’est normal de vouloir s’améliorer quand nous aimons ce que nous faisons et les jeunes avec qui nous travaillons.

[1] Presse canadienne et Léger Marketing.  La perception des Canadiens à l’Égard de certaines professions : Rapport. Montréal, 2003.

Je pense donc je blogue

Commencer l’année 2017 par la rédaction d’un billet de blogue m’est soudainement apparu comme une évidence. Cela s’est manifesté comme une obligation non pas professionnelle, mais bien organique. Il le fallait ! Curieux, me direz-vous ? Pas tant que cela si nous prenons la peine de regarder tout autour. Il semble bien qu’un besoin de dire se soit répandu en ces premiers jours de janvier. Y aurait-il eu un secret quatrième Roi-mage qui serait venu nous livrer de l’encre pour notre Épiphanie pédagogique ?

Il est tout de même fascinant de remarquer qu’en quelques jours d’intervalle à peine autant de gens aient pris la plume (maintenant électronique, va sans dire) pour parler de l’urgence d’écrire, du besoin d’écrire, de la nécessité d’écrire pour relancer le dialogue en éducation. Force est de constater qu’il s’est passé quelque chose dans le ciel de janvier pour que tour à tour et sans que personne ne se consulte que nous ayons eu droit à une aussi riche production. Sinon, comment expliquer les billets de Joël McLean, Marc-André Girard, Roberto Gauvin, Jacques Cool, Sylvain Bérubé (un retour?), Mario Asselin , Jean-Pierre Proulx et de Sébastien Gagnon, pour ne nommer que ceux-là?

Publier au quotidien

Comment expliquer qu’à l’ère des médias sociaux où chacun a la possibilité de réagir in situ au moindre événement qui se déroule dans l’univers que nous assistions à un retour aux billets de blogue ? On peut aisément comprendre que la limite des 140 caractères de Twitter en laisse plusieurs sur leur faim, mais Facebook de son côté offre beaucoup plus de possibilités pour laisser aller sa pensée et développer sur des sujets qui nous tiennent à cœur. La réponse serait-elle ailleurs?

En fait, la réponse se situe dans la forme même du blogue qui appelle une autre approche, une autre attitude quant au sujet traité dans le billet. Les médias sociaux, pour leur part, appellent à la réaction, au partage d’idées et quelques fois (pas assez souvent à mon goût) à des dialogues avec la communauté. Or, il a été démontré à plusieurs occasions que les échanges sur les médias sociaux se font souvent entre gens qui partagent les mêmes intérêts, quand ce n’est pas les mêmes points de vue. On parle ici d’algorithmes et de données croisées.

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C’est entre autres ce qui explique toutes les publicités de mises en forme que vous recevez depuis que vous avez pris la résolution le 1er janvier dernier de vous inscrire au gym ou de partager vos données de votre nouvelle montre Fitbit avec une communauté virtuelle et vertueuse de nouveaux adeptes du conditionnement physique après les abus du temps des Fêtes. Il serait tentant ici d’épiloguer sur la campagne électorale américaine et le phénomène inadmissible de post-vérités qui en a surgit. Je me retiens. Revenons au blogue.

Écrire pour penser

Contrairement aux multiples échanges faits sur les médias sociaux, le billet de blogue permet d’écrire sa pensée et ainsi de développer sa réflexion. Il n’est pas meilleur exercice intellectuel que l’écriture pour faire émerger ses idées, les organiser et les développer dans un tout cohérent. Lavoisier avait beau dire que «ce qui se conçoit bien, s’énonce clairement et que les mots pour le dire viennent aisément », il n’en demeure pas moins que l’acte d’écrire est un processus. Certes, plus ou moins long ou plus ou moins lent; plus ou moins simple ou plus ou moins complexe, selon les individus.

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Or, j’insiste sur le mot processus que le dictionnaire Larousse de la langue française définit comme [une] « suite continue d’opérations, d’actions constituant la manière de faire, de fabriquer quelque chose ». Et ce quelque chose c’est la pensée, la noèse, comme l’évoquait Jean-Paul Sartre : c’est-à-dire l’«action de se mettre dans l’esprit, conception ou intelligence d’une chose; faculté de penser, intelligence, esprit».

Et ce quelque chose c’est la pensée, la noèse : c’est-à-dire l’«action de se mettre dans l’esprit, conception ou intelligence d’une chose; faculté de penser, intelligence, esprit».

ORTOLANG (Outils et Ressources pour un Traitement Optimisé de la Langue)

Donc, si l’écriture est un processus menant à la fabrication de quelque chose, nous nous trouvons devant un objet d’apprentissage unique et complexe à la fois, sur lequel nous ne saurions jamais trop insister : le savoir-écrire, disait-on lorsque j’étais sur les bancs d’école.

De l’importance d’écrire

Depuis cette époque, le Ministère a augmenté le temps d’enseignement du français langue d’enseignement de 150 à 200 heures/année au premier cycle du secondaire et a ajouté une épreuve obligatoire (mais non diagnostique) en 2e secondaire. Il s’est aussi ajouté une épreuve unique en 5e secondaire et une épreuve uniforme de fin de parcours au niveau collégial. Les résultats sont-ils au rendez-vous? Je me questionne sérieusement et je ne vous parle même pas de l’épreuve de français pour nos finissants en éducation qu’ils peuvent reprendre autant de fois qu’il leur est permis pour obtenir leur droit d’enseigner. Ouch!

Non, je parle d’écriture comme moyen d’appréhender et de comprendre le monde, comme levier pour s’exprimer, comme code donnant accès à toute une culture humaniste et scientifique comme à ses multiples référents et aussi comme outil pour développer le sens critique pour être un citoyen conscient et éclairé. Enfin, l’écriture comme fantastique véhicule de création.

Une visibilité de l’esprit

Au même titre qu’un FabLab ou qu’un MakerSpace, l’écriture peut faire appel à une démarche de pensée design. À travers une série d’itérations, l’écriture incite à émettre une problématique, à soulever des hypothèses, à valider des informations et ses sources, à revenir pour consolider ou infirmer ses hypothèses de départ et à créer de façon concrète une pensée. Pour cela, il faut amener nos élèves à écrire de plus en plus en situation réelle. Nous ne cessons de le répéter que l’élève doit être au cœur des apprentissages, que nous devons nous inspirer de situations réelles pour « engager » les élèves. Or, le billet de blogue est sûrement le format le plus pertinent pour inscrire les élèves dans des apprentissages réels qui les rejoignent dans ce qu’ils sont et ce qu’ils vivent. Cela est d’autant plus pertinent pour les élèves que l’écriture d’un billet de blogue est diffusé en ligne et qu’il appelle des interactions avec le public lecteur.

Mario Asselin a été un des premiers au Québec à le comprendre au début des années 2000. Il a d’ailleurs écrit dernièrement en repensant à ses années à la direction des écoles que « L’expérience de l’utilisation des blogues en milieu scolaire est rapidement devenue libératrice. De fait, j’avais vécu au fil des vingt-deux ans plusieurs belles expériences qui m’éloignaient de la recherche du bon moule, mais jamais je n’avais vécu quelque chose d’aussi puissant, d’aussi satisfaisant. »

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Meilleurs vœux

Je termine en osant formuler un vœu pour 2017 : un vœu pour nos élèves, mais aussi pour les enseignants et les directeurs d’écoles à qui nous demandons d’être des leaders innovants et créatifs. Ce vœu est fou et déraisonnable, car il demande de prendre du temps : du temps pour faire émerger la pensée à travers l’écriture de billets de blogue. Le temps n’est pas infini, nous le savons que trop : il occupe l’espace que nous voulons bien lui accorder en fonction des priorités et des contraintes que nous nous mettons souvent nous-mêmes. Allez, je vous souhaite une belle année.

Comment négocier avec la part de mensonge ?

 

La semaine dernière a été riche en actualité, notamment en ce qui a trait à la véracité des informations qui circulent sur les médias sociaux. Mensonges d’un côté, usurpation de propos de l’autre : il n’en fallait pas davantage pour m’outrer à l’heure où nous nous démenons tant pour inculquer des notions de citoyenneté numérique responsable à nos élèves. Les élites médiatiques ont été tout, sauf des modèles à citer en exemple dans nos écoles.

La course à la présidence des États-Unis n’est pas étrangère à ce lot d’articles, dont on peut douter du bien-fondé. Elle en a même été l’élément déclencheur. Cela est tellement vrai que l’Huffington Post a publié le 17 novembre cet article au titre très évocateur : « Sur Facebook, les fausses informations ont bien eu plus de succès que les vrais articles pendant les trois derniers mois avant l’élection de Donald Trump ».

Plus près de nous, la journaliste Suzanne Colpron a été relevée de ses fonctions pour une période indéterminée lisait-on dans La Presse Plus du 19 novembre dernier pour s’être attribué des extraits d’entrevues réalisées par d’autres collègues journalistes. On parle ici de plagiat.

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Ne nous méprenons pas, il est ici question de professionnels de l’information bien au fait des règles journalistiques qui exigent de valider ses sources d’information deux fois plutôt qu’une avant de publier un article et de respecter les plus élémentaires règles de déontologie qui demandent de citer ces mêmes sources correctement. Le malaise est tellement grand que le quotidien La Presse en a fait le propos de son éditorial de dimanche.

Attitude mitigée de Facebook

De multiples voix se sont levées pour faire part de leurs inquiétudes au sujet de la capacité des gens à discerner le vrai du faux dans la marée d’informations sur les médias sociaux. Mark Zuckenberg, PDG de Facebook, a voulu diminuer l’impact des fausses informations sur Facebook en affirmant qu’elles ne représentaient que 1%. « 99 % de tout ce que les gens voient sur Facebook est authentique. Seule une minorité sont des articles mensongers ou des hoax [des faux] », déclarait-il sur sa page Facebook, comme le rappelle le blogue de IBM, Les clés de demain. N’empêche, Facebook changeait discrètement sa politique commerciale où il est indiqué aux annonceurs qu’ils doivent produire du contenu de qualité qui ne soit ni illégal, ni pornographique et qui ne prône pas la violence ni (et cela c’est nouveau depuis quelques jours) de fausses informations. Triste à souhait.

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Les « natifs du numérique » oui, mais

Les « natifs du numérique », comme plusieurs se plaisent à les appeler sont assis dans nos salles de classe et tous, probablement sans exception, ont accès à un appareil numérique. Or, les études le prouvent, l’utilisation que nos élèves font de ces outils se limite souvent à la communication (tous médias sociaux confondus), la recherche d’informations (pour apprendre pour et par soi ou pour les travaux scolaires) et les jeux (comme forme ludique, mais aussi d’apprentissage). L’école a donc un rôle à jouer pour développer les habiletés informationnelles et numériques (je n’aime pas le mot computationnel) et la gestion de l’identité numérique qui l’accompagne et, plus largement encore, celle de la citoyenneté numérique. Vaste programme, s’il en faut !

Nous sommes ce que nous publions

À l’heure du tout paraître et du tout afficher, il faut se rendre à l’évidence que nous sommes ce que nous publions. Textes, commentaires, photos, participation à des événements contribuent à dessiner notre empreinte numérique, notre signature. Il vaut mieux sensibiliser les élèves de façon proactive par l’éducation, plutôt que de gérer des situations de crise malheureuses et souvent évitables. « Aujourd’hui, quand nous partageons, il faut, déjà, penser à après-demain. Nous ne pouvons plus nous cacher derrière l’outil », nous rappelle Nicholas Luherne dans son article L’indispensable éducation aux médias. Ne pensons plus que les employeurs ne consultent pas les réseaux sociaux avant de procéder à l’embauche de nouveau personnel.

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Des initiatives heureuses

Force est de constater que des initiatives se multiplient un peu partout, pour aider les élèves et même leurs parents à comprendre les enjeux liés à la citoyenneté numérique. Tout dernièrement, lors du Sommet Google francophone à l’Académie Lafontaine, Manon Rollin, du Collège préuniversitaire Nouvelles-Frontières, présentait son iBook Branché à l’École : Guide de formation sur l’identité et la citoyenneté numérique. Le Collège Saint-Jean-Vianney de Montréal a maintenant une tradition avec son Colloque parents 3.0. Plusieurs modèles de chartes numériques tant pour le primaire que pour le secondaire sont affichés dans les classes de nos écoles. La vaste majorité des écoles qui ont fait entrer le numérique dans leurs murs ont un programme de citoyenneté numérique qui insiste sur la notion d’empreinte que nous laissons sur le Net, donc de notre identité numérique.

Québec répond à l’appel

La problématique est à ce point inquiétante que la ministre québécoise responsable de l’Accès à l’information et de la Réforme des institutions démocratiques, Mme Rita de Santis, a annoncé cette semaine le lancement d’une tournée de sensibilisation « Afin d’inciter les jeunes utilisateurs des réseaux sociaux et de divers sites web à adopter un comportement responsable et à porter une attention particulière aux renseignements personnels et à la vie privée qu’ils exposent dans le cyberespace ».

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L’intelligence artificielle à notre secours ?

Enseigner aux élèves la pertinence des informations n’est pas chose facile. Comment sélectionner le bon grain de l’ivraie ? La rumeur de l’information crédible ? La source douteuse d’une autre en apparence fiable ? On pourrait croire que les avancées en intelligence artificielle (IA) contribueraient à résoudre cette difficile équation. Malheureusement, il semble qu’il n’en est rien. Même l’IA a ses limites : notamment en ce qui concerne le jugement critique à appliquer dans de tels cas. « La probabilité permet certes de mesurer la quantité d’information dans un cadre technique. Mais elle ne dit rien de la pertinence de cette information », fait remarquer Frédéric Duriez dans son article Évaluer la pertinence d’une information : un défi de sensibilité pour l’intelligence artificielle.

Devoir de vérité et d’accompagnement

« Il est fastidieux de rechercher la vérité », précisent Landry et Letellier, dans L’Éducation aux médias à l’ère numérique, récemment publiée aux PUM. « Une éducation critique aux médias n’est pas une option ; elle s’impose désormais comme une nécessaire initiation à la citoyenneté », concluent-ils.

Les défis que doit relever l’École sont multiples quand on parle de former ce citoyen du XXIe siècle : responsable, engagé, autonome, inventif et créatif. Aux enjeux de la littératie et de la numératie, s’ajoutent ceux de la littératie numérique, afin de prévenir une fracture numérique qui ne pourrait être que dramatique si rien n’est fait. Pour cela, il importe que la formation initiale des enseignants soit sérieusement mise à jour et que les enseignants déjà en poste s’engagent dans une démarche de formation continue pour répondre adéquatement à cet appel de modernité.

 

Une rencontre fortuite lors d’une soirée de fondation

Vendredi soir d’automne, j’accompagne mon épouse à la soirée de la Fondation de son collège où elle est directrice. Rien d’exceptionnel, me direz-vous. J’y contribue depuis qu’elle y travaille, soit depuis maintenant dix ans. Souper bénéfice, encan silencieux et diverses formules de tirage agrémentent la soirée. Les fonds ainsi récoltés permettront de venir en aide à des familles qui vivent des revers de fortune, de faire vivre des camps de jour à des élèves handicapés ou de soutenir des projets pédagogiques particuliers. La formule est connue. Je l’ai moi-même appliquée dans une autre époque de ma vie.

Le rôle des fondations est à la fois ingrat et essentiel pour plusieurs écoles : privées comme publiques, ne vous méprenez pas. Le prosélytisme dont font preuve les membres de ces fondations n’a d’égal que la cause qu’ils défendent, les élèves qu’ils veulent aider ou, plus critique encore, l’école qu’ils veulent garder ouverte, malgré ses faibles moyens.

Le rôle essentiel de la communauté

Dans ces occasions, c’est toute la communauté qui est interpelée pour soutenir l’Éducation, avec un grand E. Marchands locaux, parents d’élèves, collègues de travail, institutions financières du quartier et anciens et anciennes sont appelés à contribuer. Le phénomène est encore récent pour nous, francophones, alors qu’il fait partie des mœurs de nos voisins anglophones. Je ne vous donnerai pas un cours d’histoire économique pour expliquer cette distinction fondamentale. Vous en connaissez les raisons.

Plusieurs élèves contribuent au succès de ces soirées par la démonstration de leurs talents, plus souvent qu’autrement artistiques. C’est l’occasion d’entendre des prestations musicales originales ou de voir des expositions tout aussi fraîches. Rarement s’attend-on à rencontrer une bande de « Geeks » informatiques.

Des élèves aux multiples compétences

Quelle ne fut pas ma surprise de tomber sous le charme d’une équipe de robotique et de son mentor et enseignant de science et de robotique, Sylvain Gauvreau. Six élèves m’ont raconté l’évolution de la robotique dans leur école; du temps qu’ils passent dans leur cours à travailler la programmation et surtout, surtout, du temps qu’ils mettent en-dehors de la classe par pur plaisir, pour relever des défis personnels ou d’équipe. Bref, j’ai côtoyé de la motivation à l’état brut pendant ces cinq minutes où chaque élève voulait me partager sa fierté.

Élèves champions de robotique

Élèves champions de robotique

 

Il y avait un mélange de sentiment d’appartenance envers le collège, de fierté d’avoir relevé des défis de taille et d’être récipiendaire de prix prestigieux sur les plans local, national et international. Je n’avais encore jamais vu le trophée de « l’inspiration en génie » décerné par la non moins célèbre NASA. Cet honneur récompense l’équipe qui a fait la meilleure promotion des sciences et de la technologie au sein de sa communauté et dans le monde. Rien de moins. Toute l’équipe s’est ainsi mérité automatiquement un accès au Championnat mondial de robotique à Saint-Louis, Missouri. Elle affrontera pour la cinquième fois les 400 meilleures équipes au monde.

Toutes mes félicitations aux six représentants de l’équipe de robotique du Collège Regina Assumpta à Montréal : Massimo Di Maulo, Joe Kamal, Samuel Continelli, Olivier Philippe Fils, Irène Ruse, Nardo Edward Jean-Gilles et leur enseignant Sylvain Gauvreau. Votre passion est contagieuse.

 

 

L’écriture collaborative comme stratégie d’apprentissage (CAMP TIC jour 3)

L’utilisation d’une plateforme d’écriture collaborative peut-elle aider à construire des connaissances et à développer des compétences ? Faut-il privilégier des moments pour amener les élèves à collaborer ? Quelle différence existe-t-il entre la collaboration et la coopération ? Voici de belles questions pour amorcer cette troisième journée de CAMP TIC de la FEEP.

C’est à Marie-Claude Gauthier, du Collège Jean-Eudes, qu’est revenu le rôle d’animatrice afin d’illustrer la richesse du travail collaboratif avec les élèves. Bien sûr, il a été question de planification et d’organisation de séquences d’enseignement pour amener les élèves à collaborer plutôt que de simplement coopérer. Vous avez compris ? Il a été question d’amener les élèves à s’investir dans une même tâche de manière concertée plutôt que chacun fasse sa part sans nécessairement établir les liens avec les autres.

Écriture collaborative Marie-Claude Gauthier

Écriture collaborative
Marie-Claude Gauthier

Pour y parvenir, il est bien évident que le recours aux plateformes d’écriture collaborative offre l’avantage de mettre rapidement les élèves en action et même en interaction avec les autres membres de leur équipe dans la réalisation de la tâche à accomplir. Certaines plateformes, telles EtherPad entre autres, permettent même de voir littéralement la contribution de chaque élève, car leur apport est identifié par une couleur distincte.

La pertinence des traces laissées par chacun des élèves à la réalisation d’une activité a certes ses avantages quand il est question de « contrôler » le juste apport de chacun. Or, au-delà de cette fonction régulatrice, l’appel aux plateformes d’écriture collaborative présente le grand avantage d’émettre des rétroactions. Ces rétroactions sont d’autant plus pertinentes, car elles peuvent se faire en temps réel en plus d’être individualisées tout au long du processus d’apprentissage.

Un moment charnière

Vous aurez compris que ce segment du CAMP TIC a constitué un moment charnière de réalisation pour les enseignant(e)s qui ont eu l’occasion de créer à leur tour une séquence d’enseignement en mode collaboratif. Le travail d’équipe et la confrontation des idées avec d’autres pairs ont certes fait partie des temps forts de la journée.

S’engager dans son développement professionnel et le leadership scolaire

Les enseignants sont repartis avec deux badges numériques émis par le CADRE21. Un premier badge de CAMP TIC 2016 a souligné la part d’engagement et de réflexion des enseignant(e)s dans leur développement professionnel. Le second badge d’écriture collaborative de niveau explorateur a été octroyé pour la part de recherche réalisée par les enseignant(e)s en vue de la réalisation de leur séquence d’enseignement. Un badge de niveau architecte est à la portée des enseignant(e)s qui feront preuve de leadership en poursuivant leur développement professionnel dans les mois qui viennent.

Si le leadership scolaire réside dans « la capacité d’amener les enseignants et les cadres scolaires à modifier leurs approches pédagogiques ou éducatives de façon volontaire et dans l’intérêt de l’élève », comme l’a affirmé Marc-André Girard, lors de son atelier sur le leadership ; alors les participant(e)s au CAMP TIC deviendront de bons agents de « contamination positive » pour leurs collègues à la rentrée.

Prêts pour la rentrée

Riches de trois journées de formation, les enseignant(e)s sont repartis avec une énergie renouvelée pour amorcer en force une nouvelle année scolaire dont les élèves devraient se souvenir.

Les questionnaires interactifs comme moyen d’apprentissage (CAMP TIC Jour 2)

L’école est réputée pour être le lieu où les élèves doivent répondre à tout plein de questions : elle en détient peut-être même le monopole. Le questionnement, c’est connu, fait partie des stratégies d’apprentissage pour vérifier le niveau d’acquisition de connaissances des élèves ou encore pour valider le degré de compréhension d’une séquence d’enseignement. Or, il est possible d’amener beaucoup plus loin cette stratégie pour la transformer en moyen d’apprentissage.

« Si je disposais d’une heure pour résoudre un problème et que ma vie en dépende, je consacrerais les 55 premières minutes à définir la question appropriée à poser, car une fois cela fait, je pourrais résoudre le problème en moins de cinq minutes. »

ALBERT EINSTEIN

Du questionnement à l’apprentissage

Les questionnaires interactifs lient à la fois la pédagogie active et la compréhension des apprentissages, car ils mettent les élèves en action en les invitant à participer ou à construire leurs propres questionnaires. Il existe plusieurs outils informatiques pour soutenir ces apprentissages, comme ont pu le constater les enseignant(e)s lors de cette deuxième journée de formation au CAMP TIC de la FEEP.

Divers outils ont été présentés aux enseignant(e)s tels que Socrative, GoFormative, Quizizz, Kahoot.it, EdPuzzle ou Google formulaire de ce monde. Bien évidemment, chacun de ces outils a ses caractéristiques, mais tous ont la même particularité de mettre les élèves en action.

À l’aide de ces outils, il peut être aussi simple de demander aux élèves du groupe de répondre en temps réel à des questions et d’afficher la distribution des réponses à l’écran. Cela permet d’offrir une rétroaction rapide et ciblée au groupe ou à certains élèves en particulier. Une belle occasion de faire de la différenciation pédagogique !

Ces outils permettent aussi aux élèves de rédiger leurs propres questionnaires tout comme aux enseignant(e)s de créer leurs formulaires personnalisés. L’intérêt pédagogique réside alors dans le degré de taxonomie auquel il est possible de recourir lors de l’élaboration de ces questionnaires. De la simple identification de concept à l’analyse comparative de documents entre eux : cela ne dépend que de l’intention pédagogique de l’enseignant(e).

Les enseignant(e)s des modèles d’apprenants

Rappelez-vous que les enseignant(e)s étaient partis avec un défi pédagogique à la fin de leur première journée. Ils devaient photographier un concept pédagogique à enseigner à partir d’un élément de leur environnement. La première tâche de cette deuxième journée a été d’illustrer ce concept à l’aide de l’application Thinglink. Les résultats ont été surprenants.

Les animateurs sont ravis du niveau d’engagement des enseignant(e)s qui ne se dément pas. Il ne fait aucun doute que le deuxième défi sera aussi bien relevé que le premier et que l’analyse réflexive à laquelle ils se livrent sera de la même mouture. Pour leur part, les enseignant(e)s ne voient assurément plus le questionnement de la même façon.

 CC0 Public Domain

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La troisième et dernière journée du CAMP TIC de demain portera principalement sur l’écriture collaborative et permettra aux enseignant(e)s de s’investir dans la création de leur séquence. Une autre belle journée de développement professionnel en perspective.